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Le jugement de l’affaire Michelin: Un cas d’école en matière d’espionnage ?

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Le Tribunal Correctionnel de Clermont-Ferrand a rendu le 21 juin 2010 son jugement dans l’affaire mettant en cause un ancien salarié de la manufacture pour tentative de divulgation de secrets d’affaires.

Rappelons que l’audience s’était déroulée le 3 mai 2010 et que le prévenu était précisément poursuivi pour :
« Livraison à une entreprise étrangère de renseignements dont l’exploitation et la divulgation sont de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » (art. 411-6 du Code Pénal),
« La violation des secrets de fabrication » (art. L. 1227-1 du Code du travail),
« Abus de confiance ».

Relaxé des deux premiers chefs de poursuite, le prévenu a toutefois été condamné sur le fondement de l’abus de confiance à deux ans de prison avec sursis et 5.000 euros d’amende.

L’article 314-1 du Code pénal définit l’abus de confiance comme étant : « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.

L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375.000 € d’amende. »

L’industriel clermontois – qui s’était constitué partie civile – avait voulu agir pour l’exemple et faire jurisprudence en la matière. Satisfait de cette sanction, l’ex-employeur n’entend pas faire appel, en dépit d’un délibéré plutôt clément.

Aux termes de cette décision de justice, on ne peut qu’en conclure que l’atteinte aux données confidentielles d’une entreprise reste trop peu appréhendé par le droit pénal, dans la mesure où un texte sanctionnant l’appropriation d’éléments immatériels, comme c’est le cas aux Etats-Unis (ou encore au Royaume-Uni, en Allemagne, au Japon …) fait toujours gravement défaut.

En l’espèce, bien que de nombreux articles du Code pénal aient été mise en œuvre, et non des moindre comme nous nous en étions déjà fait l’écho (https://www.ielovepme.com/strategie/428-laffaire-michelin-fera-t-elle-jurisprudence-en-matiere-despionnage-industriel-.html ), seul l’abus de confiance aura in fine été retenu par la formation de jugement.

Soulignons que l’affaire n’était pas sans rappeler l’affaire Valeo, dans laquelle Li Li Whuang avait été condamnée par le tribunal correctionnel de Versailles sur le même fondement à un an d’emprisonnement dont deux mois fermes et 7.000 € de dommages et intérêts, le 18 décembre 2007, à l’exclusion du vol de données informatiques.

Déjà, d’aucuns avaient pu estimer que cette sanction n’avait pas été assez sévère en regard des risques encourus pour l’entreprise.

Le jugement du Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand en date du 21 juin 2010 aura toutefois mis en évidence la nécessité d’adopter un cadre juridique spécifique à la protection des secrets d’affaires pour contre les actes de malveillance et les atteintes au patrimoine informationnel.

C’est pourquoi les juristes seront désormais particulièrement attentifs au traitement qui sera réservé à la proposition de loi de Bernard CARAYON relative à la protection des informations économiques visant à introduire dans le Code pénal le délit d’atteinte « au secret d’une information à caractère économique protégée ».

Ce texte audacieux prévoit de punir d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende le fait « pour toute personne non autorisée par le détenteur ou par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, d’appréhender, de conserver, de reproduire ou de porter à la connaissance d’un tiers non autorisé une information à caractère économique protégée. »

Un tel dispositif offrirait sans conteste un outil supplémentaire au service de l’intelligence juridique.

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